Manifestation
» Ne faisons pas bégayer l’histoire! Maintenant les prisonnier.e.s
11 janvier 2020 Bayonne.
Co-organisé avec les Artisans de la Paix.
80 000 personnes manifestent à Bayonne et Bilbao pour la paix en Pays Basque, pour interpeler Emmanuel Macron et Pedro Sanchez, sous les messages : « Ne faisons pas bégayer l’histoire » «Maintenant les prisonnier.e.s», «Orain Presoak».
10 000 personnes se sont réunies aujourd’hui à Bayonne à l’appel des Artisans de la Paix et de Bake Bidea («Le chemin de la paix») pour demander au gouvernement français de poursuivre son action concernant le processus de paix en Pays Basque, dans le cadre de l’espace de dialogue ouvert entre le gouvernement et la délégation du Pays Basque.
Notre forte mobilisation, voici un an, avait permis la reprise du dialogue, et des avancées importantes ont pu être réalisées tout au long de l’année 2019. Avec le rapprochement des prisonnier.e.s et la levée des statuts DPS, nous sommes quasiment au bout de la première phase, celle de la fin des mesures d’exception.
A ce jour, il y a 242 prisonnier.e.s au total, dont 34 femmes. 206 en Espagne, dont 5 en Pays Basque sud, 36 en France. 39 prisonnier.e.s ont plus de 60 ans. 4 sont incarcérés depuis 30 ans.
Une nouvelle étape doit s’ouvrir, il n’y a pas de processus de paix durable avec des prisonnier.e.s en prison. Tous les mécanismes de résolution de conflit à travers le monde ont permis la libération des prisonnier.e.s par la mise en place de procédures innovantes. C’est dans ce sens qu’une forme de justice transitionnelle doit se mettre en place pour le Pays Basque, qui veillera à garantir le droit de toutes les victimes à la justice, à la vérité, aux réparations et aux garanties de non-répétition
Il nous faut donc ouvrir une seconde étape.
En effet, La position du parquet est absolument contraire à l’exigence de paix de tout un territoire. Elle est la négation de la situation politique nouvelle qui garantit la non répétition du passé. Il n’est plus admissible de voir une remise en cause par le parquet, des libérations conditionnelles validées par des juges, qui commencent justement à intégrer le nouveau contexte politique du Pays Basque . 4 prisonniers qui vont accomplir cette an- née, leur 30ème année de détention en avril. Unai Parot en Espagne, Jon Parot, Jakes Esnal, Xistor Haranburu. Ces 3 derniers ont accompli, depuis plus de dix ans, la peine de surêté à laquelle ils étaient condamnés, et le parquet continue à rejeter systématiquement leur droit à une libération conditionnelle.
Les participants et appelants à cette manifestation ont porté la demande majoritaire de la société basque pour qu’une nouvelle étape ouvrant une alternative à la prison.
Cette grande mobilisation a obtenu le soutien à l’unanimité de la Communauté d’Agglomération Pays Basque (communauté regroupant 158 communes), ainsi que le soutien de la CCI du Pays Basque et de son président André Garreta, mais aussi de dizaines de partis politiques et associations.
La manifestation s’est élancée à 15H, avec pour ouvrir le cortège : 18 joaldun (sonneurs de cloches traditionnels) suivi d’une quinzaine de tracteurs incarnant le monde paysan.
Une première toile « maintenant les prisonnier.e.s ! Orain Presoak !», portée par des familles de prisonnier.e.s politiques basques leur emboitait le pas.
Une seconde banderole «Ne faisons pas bégayer l’Histoire» (citation du Président de la République Emmanuel Macron, Biarritz 17/05/2019), était ensuite portée par des jeunes. Ces jeunes représentent les nouvelles géné- rations du Pays Basque qui ne veulent surtout pas, voir l’Histoire se répéter ou si l’on préfère, « bégayer ». Eux, qui construiront le futur proche, aspirent à une paix juste et durable dans une société apaisée.
Puis, se sont élancés les représentants de la société basque makila (bâton de marche) à la main :
• La délégation du Pays Basque qui participe à l’espace de discussion avec Paris (Anaiz Funosas, pré- sidente de Bake Bidea, Jean René Etchegaray Maire de Bayonne et président de la Communauté d’Ag-
glomération Pays Basque CAPB, Vincent Bru député LREM, Mixel Berhocoirigoin artisan de la Paix),
• Les parlementaires du Pays Basque : Max Brisson, sénateur LR et Frédérique Espagnac, sénatrice PS. • Les membres de l’exécutif de la Communauté d’Agglomération du Pays Basque :
• Près de 300 élus et représentant.e.s de la société civile basque, parmi lesquels on pouvait trouver des maires et des responsables du Pays Basque, mais également, des prêtres, des syndicalistes, des représentants politiques, du Modem, UDI, Europe Écologies les Verts, le Parti Socialiste, le PNB, EHBAI, EH BILDU, Générations,
• Enfin, une foule imposante, composée de milliers de citoyen.nes du Pays Basque s’est mise en marche traversant Bayonne pour emprunter le pont Saint Esprit , une foule si compacte que la queue de la ma- nifestation était encore devant l’hôtel de Ville, place de la Liberté, alors que la tête de cortège était déjà arrivée sur la place de la République, occupant tout le pont Saint Esprit.
L’acte final s’est déroulé autour des deux prises de paroles.
Le Maire d’Hendaye et vice président de la CAPB Kotte Ecenarro et Maider Behoteguy, vice présidente de la CAPB ont été les premiers à s’exprimer en tant que membres de la Communauté d’agglomération Pays Basque :
Maider Behoteguy déclarant : «Nous sommes aujourd’hui à Bayonne pour manifester notre colère face à l’atti- tude du parquet, et pour exiger du gouvernement un changement de position sur ce sujet. La volonté de paix d’un territoire – et surtout les actes qui traduisent cette volonté – doivent l’emporter sur l’esprit de vengeance et la tentation de rester enlisé dans le passé !»
Kotte Ecenarro poursuivant « Aujourd’hui à Bayonne, nous disons au Président Macron : «hitza hitz ! Ne faisons pas bégayer l’histoire ! ». Nous attendons maintenant qu’il passe de la parole aux actes.
Ici, à Bayonne comme à Bilbao, nous exprimerons la même colère, la même détermination, la même ambition. Notre Pays a trop souffert des conséquences du même conflit. Nous voulons inscrire nos pas dans le même processus de paix. Notre message en France est adressé au président de la République Emmanuel Macron. NE FAISONS PAS BEGAYER L’HISTOIRE ! ORAIN PRESOAK ! »
Anaiz Funosas, présidente de Bake Bidea et Michel Berhocoirigoin, artisan de la paix, pour clore cette mobilisation ont exposé les demandes portées par la manifestation et la majorité politique et sociale du Pays Basque :Anaiz Funosas a insisté «Unai Parot en Espagne, Jon Parot, Jakes Esnal, Xistor Haranburu. Ces 3 derniers ont accompli depuis plus de dix ans la peine de surêté à laquelle ils étaient condamnés, continuer à les garder en prison, est une menace insensée par rapport à tout un équilibre, qui se construit patiemment entre des gens aux statuts et engagements très différents, unis dans le processus par la volonté de sortir d’une histoire dou- loureuse par le haut. Maintenir ces personnes en détention revient à leur appliquer la peine mort qui n’ose pas dire son nom, mais qui risque d’être bien réelle. Nous les voulons vivants chez nous ! Et nous nous battrons pour !».
Michel Berhocoirigoin a continué:
«Pour conclure, nous tenons à réaffirmer ce qui est un fondement de notre engagement : Alimenter le proces- sus de paix, trouver une solution intégrale et définitive à la question des prisonnier.e.s, n’est pas porter atteinte aux victimes. Il n’est pas possible d’ériger les souffrances d’hier en obstacle sur le chemin de paix. La meilleure façon de respecter les victimes est de tout faire, aujourd’hui, pour que l’Histoire ne se répète pas. ».
Pour finir, les organisateurs ont remercié tous les participants à cette mobilisation, reflétant la pluralité, ce qui est la force de ce mouvement : «nous constituons, entre tous, le moteur du processus ! ».
La conclusion a été donné par un irrintzina (cri traditionnel des bergers basques), et la foule brandissant leur makila (bâton de marche) signe de la détermination de tout ce territoire, Irrintzina repris en simultané à Bilbao donnant le coup d’envoi de la manifestation. Cette dernière a pris fin avec la prise de parole de deux victimes du conflit, une victime de l’ETA et une victime du GAL (Groupe paramilitaire espagnol).
Ce sont Rosa Rodero dont le mari Joseba Goikoetxea, sergent major de la Ertzaintza (Police basque), fut assassiné par ETA et Asun Lasa, dont le frère fut assassiné par un commando des GAL.
Toutes deux ont perdu un proche et souffert, mais restent convaincues que « ni la haine, ni l’esprit de ven- geance ne sont compatibles avec la construction du vivre-ensemble » auquel elles aspirent pour leurs enfants et petits-enfants. Elles entendent participer à la construction d’une société qui « n’oublie pas et va de l’avant sans haine ». Disant parler en leur nom, elles refusent toute utilisation partisane de leurs propos et exigent « le respect de tous les droits humains » pour tous les prisonnier.e.s et toutes les victimes du conflit basque.
Elles s’engagent avec des mots forts :
«Nous demandons la disparition de toute discrimination dans la gestion des condamnations (remise de peines, refus des libertés conditionnelles…), le rapprochement des prisonnier.e.s au Pays Basque, la libération des pri- sonnier.e.s souffrant de graves maladies et des prisonnier.e.s âgés, la modification des grades qui régissent les conditions d’incarcération et la révision des condamnations injustes… ».
Pour conclure :
« Nous voulons rappeler que, les requêtes exprimées par ces milliers et milliers de personnes du Pays Basque, rassemblées dans les rues de Bilbao, sont aussi portées par les institutions basques. C’est-à-dire par les parle- ments de Vitoria-Gasteiz et de Pampelune, les assemblées territoriales et de nombreuses mairies. Au vu de ce large soutien, nous disons avec fermeté que l’Etat n’a pas de problème avec une organisation qui a déjà acté sa dissolution. Lorsque l’Etat porte atteinte aux droits humains, c’est avec la majorité de la population qu’il a un problème ».