(Sud ouest) « Plus il y a de témoins, plus il y a de confiance »

03/03/2014
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Aaro Suonio est intervenu dans la résolution de plusieurs conflits, notamment en Irlande du Nord et en ex-Yougoslavie.© Photo
photo jean-daniel chopin

Aaro Suonio, un des intervenants du Forum pour la paix qui s’est déroulé samedi à Bayonne, est partisan de l’engagement de la société dans ce processus .

Publié le 03/03/2014 à 06h00 par

Pantxika Delobel

Quand Aaro Suonio prend la parole, l’amphithéâtre ne souffle mot. C’était samedi, lors du Forum pour la paix qui se tenait à la faculté de Bayonne. Le Finlandais a fait le voyage pour partager son expérience nord-irlandaise. Mandaté par son gouvernement, il a vérifié le dépôt des armes de l’IRA. Quelques jours après l’annonce d’un premier geste de désarmement de la part d’ETA, son expertise permet de mieux appréhender la suite de ce processus. Décryptage. « Sud Ouest ».

Que pensez-vous du premier geste de désarmement d’ETA constaté fin janvier par une commission d’experts ?

Aaro Suonio. C’est un pas important. Même si, parfois, certains semblent sous-estimer combien cela peut-être difficile pour un groupe paramilitaire engagé dans la violence depuis…

Que pensez-vous du premier geste de désarmement d’ETA constaté fin janvier par une commission d’experts ?

Aaro Suonio. C’est un pas important. Même si, parfois, certains semblent sous-estimer combien cela peut-être difficile pour un groupe paramilitaire engagé dans la violence depuis des décennies de renoncer à ces armes, symboles d’une idéologie.

Ces armes ont été mises « hors d’usage ». Cela signifie ?

Dans le cas d’ETA, je ne sais pas. Mais concernant le processus nord-irlandais, notre commission n’a jamais révélé comment s’est déroulée cette phase hautement technique. Cependant, nous avons assuré les gouvernements et la société que ces armes ne pourraient plus jamais être à la portée ou utilisées par quiconque.

Pourquoi la mission des vérificateurs est-elle si compliquée ?

D’une part, car cette étape du désarmement se réalise, pour l’instant, sans l’aval des gouvernements français et espagnol. C’est la première différence avec le processus de paix nord-irlandais qui comptait sur l’engagement des gouvernements britannique et irlandais. Par ailleurs, en Irlande du Nord, le contexte faisait que notre commission pouvait rencontrer les militants de l’IRA pour procéder au démantèlement de son arsenal. Car, au moment où le cessez-le-feu a été prononcé, l’organisation n’était plus considérée comme illégale. Ce qui n’est pas le cas ici où les clandestins risquent à tout moment d’être interpellés.

Faut-il rendre public cette nouvelle phase du processus de paix ou rester discret ?

Plus la société partage d’avancées, plus il y a de témoins indépendants engagés dans ce processus, plus il y a de transparence et donc de confiance. Cependant, tout est une question de dosage. Si la phase de désarmement est trop rapide et visible, il peut apparaître des scissions à l’intérieur du groupe paramilitaire. La violence peut alors ressurgir. Le rôle des vérificateurs est de trouver un juste équilibre entre les gestes à rendre public et ceux à réaliser dans l’ombre.

Le désarmement peut-il suivre son cours sans le soutien de la France et de l’Espagne ?

Ce n’est pas souhaitable. Toutefois, si Paris et Madrid restent ancrés sur leur refus de participer à ce processus, il faudra malgré tout avancer. Néanmoins, pourrait-on envisager que le gouvernement régional d’Euskadi puisse prendre en charge le démantèlement des structures militaires d’ETA, puis la réinsertion dans la société des anciens combattants ? Cela pose de nombreuses questions d’un point de vue légal et sécuritaire. Je ne crois pas que le président basque puisse assumer tout cela.

Pour que ce processus soit couronné de succès, quelles erreurs faut-il éviter ?

L’expérience irlandaise a prouvé que la réinsertion des combattants, des prisonniers et des réfugiés doit se faire de façon très structurée. Leur trouver un travail ou leur permettre de reprendre leurs études, cela limite les risques de scission. Dans le cas nord-irlandais, nous avons négligé cet aspect. Certains anciens militants de l’IRA, revenus à la vie normale, ne supportaient pas que la société les ait oubliés, effacés de la mémoire collective. Résultat, la violence ressurgit encore parfois en Irlande du Nord.

Recueilli par Pantxika Delobel

 

 

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