Chaîne humaine

Argi dugu ! Maintenant les prisonnier.e.s

9 janvier 2021 Bayonne

Co-organisé avec Les Artisans de la Paix


Voir la vidéo

Déroulé de la mobilisation :

Bravant le vent et la neige, 2000 personnes se sont réunies aujourd’hui à Bayonne à l’appel des Artisans de la Paix et de Bake Bidea (« Le chemin de la paix ») pour demander au gouvernement français de reprendre et d’accélérer son action concernant le processus de paix en Pays Basque, dans le cadre de l’espace de dialogue ouvert entre le gouvernement et la délégation du Pays Basque. Dans le même temps, 70.000 personnes se sont réunies dans 240 villes et villages du Pays Basque Sud (Communauté Autonome Basque et Communauté Forale de Navarre).

A Bayonne, cette mobilisation a pris la forme d’une chaine humaine lumineuse. Alors que tous les ans des manifestations pour les droits de prisonniers basques sont organisées à Bayonne et Bilbao, le contexte sanitaire lié à la pandémie de la COVID-19 nous a obligé à revoir notre mode de mobilisation, en vue de respecter les gestes barrières et la distanciation sociale et de permettre à chacun d’être rentré pour le couvre-feu.

Malgré les conditions particulièrement défavorables pour une telle mobilisation, 2000 personnes se sont réunies sur les bords de la Nive pour une chaine humaine qui s’est étendue sur 2 km (1m=1personne). Le mot d’ordre de cette chaine humaine était Argi Dugu, le chemin vers la Paix, Orain Presoak.

Encore une fois, c’est une société civile dans sa pluralité qui se mobilise ce samedi 9 janvier, regroupant des acteurs du monde culturel et sportif (Amaia Zubeldia, Marine Etchegoyen, Ellande Alfaro, Benat Maitia…) économique (Chambre de Commerce et d’Industrie, Lantegiak…), social (plus de 50 syndicalistes de LAB, ELB, CGT, CFDT), confessionnel (autant du milieu protestant que catholique) et politique (des membres de Modem, UDI, Europe Écologies les Verts, le Parti Socialiste, le PNB, EHBAI, EH BILDU, Générations).

Plus de 150 maires et élus du territoire ont participer à cette chaine humaine, dont les membres de l’exécutif de la Communauté d’Agglomération Pays Basque incluant son Président et maire de Bayonne Jean-René Etchegaray, Renée Carrique 1ère Vice-Présidente, Kotte Ecenarro, maire d’Hendaye, Isabelle Pargade, maire d’Hasparren, Antton Curutcharry.

Lorsqu’à 18h le top départ a été donné, les rues de Bayonne ont été plongées dans le noir permettant l’apparition d’une ligne de points blancs lumineux constituée par des parapluies blancs illuminés par des torches. Des banderoles ont été suspendues aux différents ponts de la zone et faisant références aux différentes situation urgentes : « Ibon Fernandez eta Juan Cruz Maiza Artola askatu, libérez les prisonniers malades », « Unai, Jakes, Jon Askatu » (Unai, Jakes, Jon libres ! Ce sont les détenus depuis plus de 30 ans d’incarcération), « Mikel Barrios gurekin » (« Mikel Barrios avec nous », faisant référence à la récente décision de réincarcération de ce militant), « Etxean nahi dugu » (nous les [les prisonniers] voulons à la maison). Les participants statiques ont vu défilé des joaldun, rythmant de leurs cloches et leurs torches, ce moment qui se veut être un rassemblement tant revendicatif que solennel.

C’est à 18h15 que Jean-François Irigoyen (Maire Les Républicains de St Jean de Luz) et Chantal Erguy (Maire sans étiquette d’Aïcirits-Camou-Suhast) ont pris la parole aux noms des élu.e.s et Anaiz Funosas, présidente de Bake Bidea, et Mixel Berhocoirigoin au nom des Artisans de la paix.

Lors de leur prise de parole, Jean-François Irigoyen (en français) et Chantal Erguy (en basque) ont tenu à rappeler le schéma judiciaire qui se répète depuis de nombreuses années :

« Force est de constater que les demandes de libération conditionnelle ou suspension de peine dans le cas des prisonniers gravement malades ont été systématiquement rejetées par la cour d’appel de Paris, alors que le Tribunal d’application de Paris a souvent fait droit à de telles demandes ».

Ils ont insisté sur la frustration et le sentiment d’incompréhension que nous ressentons tous dans ce territoire : « c’est l’appel systématique du Parquet devant la cour de Paris qui réduisait la décision des juges du premier degré qui pourtant justifiaient la libération de ces prisonniers à l’avancée du processus de paix au Pays Basque ».

Ils ont ensuite rappelé qu’un espoir est né de voir ce cycle se rompre par « l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris du 27 octobre 2020 venant confirmer le jugement de première instance et permettant ainsi la libération sous surveillance électronique de Fredéric Xistor Haramboure, après trente années d’incarcération » Tout en rappelant que deux prisonniers cumulant 30 années d’incarcération, « Jakes Esnal et Ion Kepa Parot, également incarcérés depuis 1990, attendent leur libération après plusieurs demandes, à chaque fois rejetées par la même Cour ».

Ils ont rappelé que ces vœux sont partagés par une société civile diverse et les élus locaux : « la Communauté Pays Basque a voté, dans une large majorité, une motion de soutien à la manifestation de ce jour, en demandant au Gouvernement de rompre avec son indifférence face à la dynamique en cours au Pays Basque ».

Enfin, ils ont conclu leur prise de parole en réaffirmant que « le chemin vers la paix passe par la résolution la question des prisonnier(e)s, au Pays Basque, comme partout où les conflits d’hier ont pu être dépassés par une volonté d’avenir en commun plus forte que les sentiments légitimes générés par les souffrances d’hier. Le sort immédiat des prisonnier(e)s est un élément constitutif de ce changement radical de perspective. Poursuivons notre marche pour convaincre nos gouvernants de la légitimité de nos revendications en faveur d’une paix définitive ».

C’est ensuite Anaiz Funosas présidente de l’association Bake Bidea, et Michel Berhocoirigoin, artisan de la paix, qui ont pris la parole marquant cette fin de chaine humaine d’un ton ferme et déterminé.

Tout en affirmant que « résoudre les conséquences du conflit, c’est réparer les douleurs, d’abord par la reconnaissance de leur existence quelles qu’elles soient et d’où qu’elles viennent », ils n’ont pas manqué de rappeler que « résoudre les conséquences du conflit, c’est activer les outils juridiques, existants ou à inventer, qui offriront des perspectives autres que la prison, pour toutes les personnes incarcérées ».

Ce choix de la paix est irréversible, mais le chemin est long : « qu’il est laborieux ce chemin ! L’actualité nous le montre : hier la lueur d’espoir avec la libération conditionnelle de Xistor Haramboure, aujourd’hui la douche froide avec la décision d’incarcérer Mikel Barrios. Nous n’acceptons pas cet « entre deux ».

C’est d’un ton grave et résolu qu’Anaiz Funosas et Michel Berhocoirigoin ont conclu cette chaine humaine, affirmant avec audace : « Nous n’accepterons aucune atteinte au processus de paix ! Ni retour en arrière, ni statu quo : il faut avancer ! 10 ans après Aiete, il faut passer la vitesse supérieure ! Sur le chemin de la paix, plus que jamais : PRESOAK ORAIN ! ARGI DUGU ! »

A 18h30, le feu d’artifice de fin a libéré les participants leur permettant de rentrer, sous les flocons de neige, avant l’heure du couvre-feu.