(Sud Ouest) ETA : l’épouse d’une victime raconte le jour où elle a rencontré les assassins de son mari

22/10/2014

Maixabel Lasa a rencontré deux des assassins de son mari.

Maixabel Xasa a fondé le service d'attention aux victimes du terrorisme du gouvernement basque. © PHOTO BERTRAND LAPÈGUE

Maixabel Xasa a fondé le service d’attention aux victimes du terrorisme du gouvernement basque.
© PHOTO BERTRAND LAPÈGUE

Publié , modifié par Px. D.

Avant cette rencontre organisée en mai 2011 dans la prison alavaise de Nanclares, Maixabel Lasa n’avait jamais croisé le regard des assassins de son mari. Le socialiste Juan María Jauregi représentait le gouvernement central dans la province du Guipuzcoa. Il fut abattu fin juillet 2000 par un commando d’ETA de deux balles dans le dos. « Le jour du procès, les accusés s’agitaient tellement dans leur box que les juges ont fait en sorte qu’on ne me voie pas témoigner, se souvient la femme de l’ancien gouverneur civil. En réalité, c’était une manœuvre de ces militants pour ne pas affronter mon regard. »

Mais onze ans après l’attentat, l’un d’entre eux, Luis Carrasco, a souhaité se confronter à l’épouse de sa victime. Maixabel Lasa, militante socialiste comme son mari, est alors directrice du service d’attention aux victimes pour la communauté autonome. C’est avec elle que le gouvernement basque, emmené par le nationaliste modéré Juan José Ibarretxe, se penche pour la première fois sur le rôle des victimes et la façon dont la société devait leur rendre hommage.

Carrasco, lui, fait partie du programme de réinsertion de Nanclares auquel participe une trentaine d’anciens etarras repentis. « Quand j’ai été informée qu’il voulait me rencontrer, j’ai voulu m’assurer qu’il n’aurait aucun bénéfice pénitentiaire pour avoir fait cette démarche. On m’a répondu que non. » Maixabel Lasa accepte de participer à cette expérience pilote : « Parce que dans cette société qui juge, condamne et punit, il faut aussi savoir laisser une seconde chance. »

Une cible à abattre

Elle décrit un homme très grand, dévoré par la peur. « Il n’arrêtait pas de me demander pardon. » Du haut de son 1,65 m, le petit bout de femme ne se démonte pas. « Je lui ai demandé s’il connaissait mon mari. S’il savait qu’il avait milité au sein d’ETA dans sa jeunesse. Et que plus tard, en tant que gouverneur civil, il avait témoigné contre le général Galindo, accusé d’avoir fait disparaître de jeunes etarras. »

« Non », répond Luis Carrasco. L’ancien militant explique que son commando a abattu « la personne qu’on lui avait indiquée ». « Il me répétait qu’il n’y avait rien de bon en lui. J’ai eu de la peine, pour lui et pour sa famille. Je lui ai dit qu’il lui avait fallu du courage pour arriver jusque-là. »

Depuis son arrivée au pouvoir en Espagne fin 2011, le Parti populaire a interrompu ce programme de réinsertion. Des entretiens de ce type continuent toutefois de se dérouler hors cadre institutionnel. Maixabel Lasa, elle, a rencontré un autre membre du commando de trois etarras responsable du meurtre de son mari. Ibon Etxezarreta est même allé à l’hommage rendu à sa victime. C’était le 29 juillet dernier.

Appel à témoignages

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