(AFP) La militante basque Aurore Martin jugée en Espagne pour un fait en France

01/12/2014

Une partie des faits pour lesquels sera jugée en janvier en Espagne la militante basque française Aurore Martin, poursuivie pour appartenance au parti indépendantiste Batasuna, ont eu lieu en France où ils ne sont pas constitutifs d’un délit, selon une source proche du dossier.

Ce fait a été mentionné dans l’ordonnance de renvoi devant le tribunal de l’Audience nationale à Madrid, qu’un correspondant de l’AFP a pu consulter.

Aurore Martin se voit reprocher sa participation à une conférence de presse tenue le 21 septembre 2006 à Bayonne alors même que la justice française avait expressément exclu les faits se déroulant sur le territoire national du champ d’application du mandat d’arrêt européen délivré par la justice espagnole à l’encontre de la jeune femme, âgée de 35 ans.

« Scandalisée par la décision de la justice espagnole », Me Amaia Recarte, avocate de la militante de Batasuna, parti interdit en Espagne mais légal en France, en appelle au ministère français de la Justice: « C’est quand même hallucinant que l’Audience nationale ne se sente pas tenue par une décision judiciaire française. Il faut une intervention ».

« Déjà lors de son incarcération en Espagne, le juge avait maintenu les charges relatives au territoire français, rappelle Me Recarte. J’avais alors alerté le Parquet général et la chancellerie, pensant qu’ils s’en occuperaient, mais je constate aujourd’hui que la justice espagnole persiste et signe ». Ainsi, si la participation à une réunion publique de Batasuna au Pays Basque français ne figure plus dans l’ordonnance de renvoi, la conférence de presse du 21 septembre 2006 reste un des chefs d’accusation.

Le 23 novembre 2010, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Pau (Pyrénées-Atlantiques) avait ordonné la remise d’Aurore Martin à la justice espagnole uniquement pour sa participation aux manifestations publiques de Batasuna s’étant déroulées sur le territoire espagnol.

– « Un problème diplomatique » –

Une députée des Pyrénées-Atlantiques, Colette Capdevielle (PS), avocate au barreau de Bayonne et interrogée par l’AFP, dénonce pour sa part une situation « ridicule »: « C’est incroyable ! Il est impossible de juger une ressortissante française pour des faits commis en France et non-pénalement répréhensibles sur le territoire, en plus en violation d’une décision de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Pau ». La parlementaire plaide pour une intervention de Manuel Valls lui-même: « Cela va même plus loin que le ministère de la Justice, cela relève du Premier ministre qui doit protéger sa ressortissante. Cela pose un vrai problème diplomatique ».

« Après mon arrestation, François Hollande avait assuré avoir confiance en la justice espagnole, mais comment accorder du crédit à l’Audience nationale », s’interroge pour sa part Aurore Martin dans une déclaration à l’AFP. La jeune femme craint que son cas « ne crée un précédent » et « alerte les autorités françaises à la veille du sommet franco-espagnol qui se tient le 1er décembre à Paris ».

Interpellée le 1er novembre 2012 en vertu d’un mandat d’arrêt européen, Aurore Martin avait été incarcérée en Espagne durant près de deux mois, puis remise en liberté sous contrôle judiciaire et vit aujourd’hui au Pays basque français.

De leur côté, les deux branches du parti Batasuna, l’espagnole et la française, se sont dissoutes en janvier 2013.

corr-pfe/jag

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